Origines
L’expression « constellation familiale » existait avant cet usage particulier par Bert Hellinger, pour désigner, chez certains auteurs, la structure familiale1,2. La thérapie familiale psychanalytique, la psychanalyse des groupes et l’anthropologie de la parenté évoquaient déjà le « transgénérationnel »3.Le psychiatre Iván Böszörményi-Nagyparle, par exemple, des « loyautés invisibles »4.
Définition et objectif de la méthode de Hellinger
Selon Bert Hellinger, le terme « constellation » est un « raccourci de traduction », la bonne expression serait « poser la famille dans l’espace »5. Selon cette théorie, semblable à la psychogénéalogie, nos comportements, malaises, maladies seraient des reflets de conflits non réglés des générations précédentes. Dans cette perspective, nous faisons partie d’un système familial constitué de nos parents, frères et sœurs, conjoint(s), enfants, ainsi que les générations antérieures et toutes personnes qui ont pu être impliquées dans le destin de notre famille.
Les constellations familiales se présentent comme une thérapie brève dont l’objectif affiché est de rétablir l’ordre dans le système familial et de permettre à chaque membre d’assumer la charge des responsabilités qui lui incombent et de réintégrer sa place par la mise en lumière des événements que l’on croit oubliés et des implications cachées. Dans une session de groupe, les personnes choisies comme représentants des membres du système, vont parfois ressentir des émotions intenses, qui sont interprétées, de façon magique alors qu’ils ne connaissent pas les personnes concernées, comme une indication sur ce qui a pu se jouer dans le passé ou se joue dans le présent, entre ces êtres. Une fois le problème mis en lumière, il pourrait alors être réparé par des gestes ou des paroles précises qui soulagent les malaises et font évoluer le système vers une plus grande harmonie. L’acceptation du passé, comprise comme reconnaissance d’une infraction contre l’ordre naturel, tendrait à dispenser la personne et sa famille de reproduire les mêmes schémas et permettrait l’émergence d’une vision nouvelle du système.
L’objectif est de résoudre des “intrications”, des identifications avec des ascendants. Par amour pour le système familial, un descendant, par son comportement, veut rappeler à la conscience familiale une personne “exclue” du système, une personne dont le destin n’a pas été accepté. Ce système familial est large, il comprend aussi les partenaires précédents des parents, les victimes ou les persécuteurs, les camarades de combat ou de captivité des membres de la famille.
Variantes
Bien que cette approche ait été créée par Bert Hellinger, il en existe des variantes, notamment les constellations et blessures d’enfance, les constellations prénatales (Samaï et Gérard Fossat), les constellations familiales énergétiques (Marlis Grzymek Laule), les constellations de valeurs (Georges Didier), les constellations familiales intégratives (Anne De Vreught) qui ne sont utilisées que comme un outil s’intégrant dans un cadre psychothérapeutique adapté, les constellations systémiques d’entreprise pour faciliter la circulation de la communication au sein des organisations ou encore le Systemische Strukturaufstellungsarbeit (SyST) créé par Insa Sparrer, psychologue et le Pr. Mathias Varga VonKibed de Munich.
Méthode
Pour dénouer l’intrication et réintégrer la personne inconsciemment exclue, cette méthode utilise certains participants de la séance comme des représentants du système familial en question, sous la forme d’un jeu de rôles. Ainsi, un membre (dit constellé) qui veut dénouer une intrication choisira dans le groupe des personnes représentant des membres, suggérés par le constellateur, de son système familial (lui-même, mère, père, grands-parents, oncles et tantes, fratrie, etc.) qui les représenteront. Il les placera dans l’espace puis ira s’asseoir et demeurera spectateur. Les représentants suivent alors leur mouvement spontané sur lesquels s’appuiera le thérapeute pour réintégrer la personne exclue à l’aide de phrases réparatrices ou du placement d’autres personnes. À la fin de la séance de constellation, quand la solution est apparue, le constellé reprend la place de son représentant et est invité à prendre l’image finale
Source Wikipedia
J’ai suivi un stage de constellations familiales
Secrets de famille, exclusions, deuils non faits… nous payons parfois les dettes de nos aïeux sans le savoir. Notre journaliste a fait un stage de deux jours avec Mabel Meschiany, psychanalyste spécialiste depsychogénéalogie, et Josette Halégoi, psychosociologue. Elle en est sortie bouleversée.

Sommaire
«Chacun de nous est en tension entre deux forces : être soi-même, trouver son propre chemin de vie, et être, au sein de sa propre famille, le maillon d’une chaîne millénaire qui nous unit les uns aux autres. » Assis en rond, le groupe écoute, attentif. Douze participantes de 25 à 65 ans et un seul homme, Marc, qui ne semble pas moins à l’aise. Mabel Meschiany, psychologue et psychanalyste argentine, spécialiste de psychogénéalogie, nous parle en espagnol. À ses côtés, la co-animatrice Josette Halégoi, psychosociologue, assure la traduction. L’accent chantant apporte un peu d’exotisme à cette journée pluvieuse. « La mémoire familiale nous influence plus que nous l’imaginons, reprend Mabel. Ensemble, nous allons tenter d’identifier ces loyautés inconscientes qui nous empêchent de choisir pleinement notre vie. »
Mes camarades paraissent ravis et impatients. Un tour de présentation m’éclaire : presque tous ont déjà expérimenté les constellations familiales, et la plupart sont thérapeutes. Je suis perplexe : pourquoi nous replonger dans notre cocon familial ? Il me semblait qu’il fallait au contraire s’en extirper pour aller vers son propre destin. « Nous appartenons à un système familial dont nous partageons l’inconscient, m’explique Mabel. Lorsqu’il connaît un désordre – l’exclusion d’un de ses membres, par exemple –, il se construit avec ce déséquilibre et le transmet aux générations suivantes. » Moi qui ai toujours considéré la famille comme un nid de tensions, la perspective de m’y plonger deux jours durant ne m’enchante pas. Même si je veux bien admettre que ma réticence cache quelque chose… Chacun doit préciser ce qui fait obstacle à son accomplissement. Certains l’ont déjà identifié, à l’exemple de Marie : « Je sens que les femmes de ma famille portent un fardeau et que cela m’empêche de m’engager dans mon couple. » D’autres, comme moi, ont des attentes plus floues. L’une de mes difficultés est que je ne tombe pas amoureuse. Mabel me propose donc de travailler sur ma relation avec mon dernier compagnon. J’accepte, curieuse de savoir ce que ma famille a à voir là-dedans.
Marie joue le rôle de mon ex
Nous nous mettons par deux. Je choisis Marie. Elle me paraît décidée, sûre d’elle. Tout ce que j’aimerais être. Chacune à notre tour, nous devons trouver la meilleure place dans le contact avec l’autre. « Dos à dos, de face, proches ou éloignés, cherchez où vous vous sentez le mieux et quelles émotions vous ressentez vis-à-vis de votre partenaire », poursuit Mabel. C’est Marie qui commence, je suis à sa disposition. Première sensation : j’ai envie de l’entourer. Je la sens pourtant hostile. Il nous faut du temps pour nous apprivoiser, pour qu’elle se laisse aller à la douceur dans mes bras. Josette Halégoi nous guide. Elle l’encourage à parler à son compagnon, que je représente. « J’aimerais que l’on baisse les armes », avoue Marie dans un soupir. « Que ressent le mari ? » me demande Josette. « J’aime être ton repos du guerrier. » Marie reste encore un moment dans la chaleur du câlin, puis se dégage, la marque de mon pull incrustée dans la joue. « À qui es-tu si loyale quand tu veux faire la guerre aux hommes ? l’interroge Josette. Il y a une vérité, mais ce n’est pas la tienne. » Et, après un silence : « Parfois, on compense une injustice d’une autre époque, en cherchant par exemple à réparer le tort qu’un homme a fait à une grand-mère. On se sacrifie pour ne pas trahir son ascendance. » Marie acquiesce, comme si elle réalisait une évidence jusque-là cachée. C’est à mon tour. J’ai envie de me coller à Marie… qui s’écarte. Je ressens une immense détresse, une terrible peur de perdre l’ex amoureux qu’elle représente. Mes yeux piquent, mon coeur se serre. Nous trouvons une situation confortable pour nous deux : elle derrière moi, les bras grands ouverts. Je me sens attendue, aimée. Ça va mieux. Nous débriefons avec Josette. Je m’étonne de la force des émotions ressenties, mais je reste sceptique sur la transparence de l’exercice. Comment être sûre que je n’ai pas influencé l’expérience de Marie en y projetant mes désirs ? Josette et Mabel me répondent : « Vous n’avez pas choisi de travailler ensemble par hasard… Le groupe favorise les résonances. Cependant, même si vos problématiques sont en miroir, lorsque tu travailles pour Marie, tu fais partie de son système, de son histoire. »
Je dessine mon arbre généalogique
Mabel nous propose ensuite de nous représenter au sein de notre famille : à même le sol, penché sur une grande feuille de papier blanc, des feutres à la main, chacun se concentre sur son oeuvre. Nous pouvons, au choix, nous dessiner au milieu des événements importants pour nous, faire un arbre généalogique ou tracer une ligne indiquant les soubresauts de notre vie et de celle de nos parents. Je choisis l’arbre généalogique. « Indiquez aussi les migrations, guerres, fausses couches, séparations…, précise Mabel. Entourez en vert ce qui est positif pour vous, en rouge le négatif. Nous cherchons les répétitions, les exclusions, les désordres… » Les arbres de certains sont couverts de couleurs. D’autres ont des chemins de vie pleins de virages. Je constate, dans le mien, l’apparition régulière d’adultères et de loyautés déçues. Deux longues lignes de rouge, côtés paternel et maternel, déferlent sur moi. Je pense aux infidélités de mon ancien compagnon, que j’acceptais par peur de le perdre. Je suis amusée par ce mimétisme.
Je mets en place ma « constellation »
« Maintenant, annonce Mabel, encadrez l’événement le plus traumatique, puis ce qui vous donne de la force. » J’entoure le divorce de mes parents, et mon petit frère, Arthur, de neuf ans mon cadet. Mabel me propose de mettre en place ma constellation familiale : « Choisis, dans le groupe, des personnes pour représenter ton père, ta mère, tes deux frères, et le bébé que ta mère a perdu en cours de grossesse. » Je suis étonnée que Mabel en parle comme s’il faisait partie de la famille. Puis, aux représentants choisis : « Placez-vous comme vous voulez. » Le père et la mère se mettent côte à côte, les yeux fixés sur l’enfant mort. Je ne me sens pas bien. Je vais prendre Arthur dans mes bras. Ça va mieux. Je le protège, je suis réconfortée. Mais Mabel préfère l’installer avec ma mère. Je suis dépossédée, je retrouve la détresse éprouvée dans le premier exercice. Arthur me dit : « C’est ma place d’être avec elle. Toi, tu es ma soeur. » Je suis en larmes. « Et le bébé mort, comment se sent-il ? » s’enquiert Mabel. « J’aimerais que tu aies des enfants et que tu t’en occupes », me déclare-t-il. Je pleure à gros bouillons. Mabel introduit un nouveau personnage, mon futur amoureux. « Peux-tu aller vers lui ? » Non, je ne peux pas m’éloigner d’Arthur. Mabel me souffle quelques phrases à répéter à la représentante de ma mère : « Je suis ta fille. Arthur est ton fils. Et, même si cela me coûte, je te le rends. » Je m’acquitte de cette tâche avec difficulté. Mabel met fin à la constellation. Les représentants s’en libèrent par une petite danse et chacun retourne s’asseoir. Mabel nous éclaire : « Cette constellation présentait deux désordres, le frère mort qui n’avait pas de place dans la famille, et la soeur qui prenait celle de la mère. » Puis, à moi : « Tu mets tant d’énergie à remplir une fonction qui n’est pas la tienne que tu n’en as plus pour faire ta vie. Même si cela ne répond pas à ton questionnement sur le couple, cela t’y prépare. » Je suis sonnée. Je n’ai pas découvert d’incroyables secrets, mais j’ai le sentiment de tout voir différemment. Je me considère dans un engrenage et non plus seule avec mon libre arbitre. Les infidélités dans mon arbre généalogique, le couple de mes parents, l’enfant mort, ma place auprès d’Arthur, ma difficulté à me tourner vers un nouvel amour… Tout cela fait sens. Aux autres membres du groupe de mettre leur constellation en place. Anne réhabilite une grande tante injustement exclue de la famille. Margot rend le poids d’un secret à son grand-père. En tant que représentante dans leurs constellations, j’ai tour à tour froid, chaud, des tremblements ou des larmes qui me viennent. Je m’étonne de la force de mes ressentis, de leur signifi cation dans le système d’un autre, de la lumière apportée sur les chemins des participants. « Le conflit est résolu quand les membres de la famille sont à la bonne place, prêts à assumer la responsabilité de leurs actes, affirme Mabel. Chacun peut alors prendre la voie de son destin sans craindre un retour du passé. » Je pense aux fantômes des contes, qui viennent hanter les vivants jusqu’à ce que leur âme soit apaisée…
Ces thérapies qui soignent la famille
Dès 1913, dans Totem et Tabou, Sigmund Freud évoquait la possibilité de la transmission d’une faute, de génération en génération. Par la suite, le psychiatre américain Jacob Levy Moreno, créateur du psychodrame, les psychanalystes Nicolas Abraham, Maria Török ou encore Didier Dumas se sont intéressés aux dynamiques inconscientes de la famille. Par ailleurs, sous l’impulsion du psychologue américain Gregory Bateson, puis de l’école de Palo Alto, la thérapie familiale systémique viendra aider à l’identification et à la modification des rôles de chacun dans le système familial.
C’est à la psychothérapeute Anne Ancelin Schützenberger, auteure du best-seller Aïe, mes aïeux !, que l’on doit la création de la psychogénéalogie transgénérationnelle. Une méthode qui repose sur des concepts tels que « le syndrome d’anniversaire » (ces dates qui font sens dans une même famille) et les loyautés familiales inconscientes. Avec un « génosociogramme », arbre généalogique constitué des faits marquants sur plusieurs générations, elle étudie les répétitions et met au jour les résonances entre les événements passés et nos propres blocages.
Autre approche : la thérapie de groupe des constellations familiales, fondées par Bert Hellinger, psychothérapeute allemand. Elle propose de rejouer, au sein du groupe, l’histoire familiale et d’en révéler les noeuds, premier pas pour mettre un terme à des scénarios répétitifs douloureux.
Source Psychologie magazine